Le cancer du poumon est la première cause de décès par cancer dans le monde et chaque année plus de deux millions de personnes sont atteintes dans le monde, dont plus de 50 000 en France. Depuis une dizaine d’année, les efforts de la recherche translationnelle et la réalisation d’essais cliniques, ont permis l’émergence de plusieurs thérapies ciblées sur des altérations génomiques ainsi que le développement d’une immunothérapie associée ou pas à un traitement par chimiothérapie. Ainsi le concept de médecine personnalisée ou de précision a fait naitre de nombreux espoirs chez les patients en phase de cancer avancé (stade IIIB/IV) et plus récemment en phase précoce (stade IA-IIIA) en traitement néoadjuvant ou bien en traitement adjuvant. Malgré cela la survie à 5 ans des cancers pulmonaires non à petites cellules (CPNPC) n’est pas supérieure à 5 % dans les stades avancés et un patient sur deux décédera de son cancer dans les 5 ans qui suivent une intervention chirurgicale pour un stade précoce.
Le CPNPC représente 85 à 90 % de l’ensemble des cancers du poumon avec trois principaux sous- types dont les adénocarcinomes, retrouvés dans 40 à 50% des CPNPC. Parmi les adénocarcinomes 30 à 40% sont mutés KRAS, évoquant une cible thérapeutique majeure.
Bien que la mutation KRAS fut découverte en 1982, il s’est avéré difficile de la cibler et cette mutation fut longtemps qualifiée d’incurable. En 2021, l’approbation par la FDA du premier médicament ciblant une mutation KRAS, marque une avancée pour les patients atteints de CPNPC muté KRAS G12C.Ces inhibiteurs de KRAS sont actuellement administrés en deuxième ligne de traitement chez des patients qui progressent après l’administration d’une chimiothérapie, d’une immunothérapie ou bien d’une combinaison immuno/chimiothérapie. Malgré l’émergence de ces inhibiteurs, un grand nombre de CPNPC mutés KRAS sont encore incurables dû à une absence de réponse aux inhibiteurs, une intolérance aux effets secondaires ou encore dû aux mécanismes de résistances primaires et secondaires. Il est ainsi indispensable d’élargir les possibilités de thérapies et crucial d’identifier de nouveaux biomarqueurs par des analyses de détection moléculaires ou d’expression protéiques.
Les CPNPC mutés KRAS sont majoritairement dû au tabac entrainant des tumeurs dites à haute charge tumorale mutationnelle. L’augmentation de la charge tumorale mutationnelle confèrerait une bonne réponse aux immunothérapies, dont les traitements par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (anti PD-1/PDL-1). Cependant, la présence d’altération de certains gènes (par exemple STK11, KEAP1 ou encore SMARCA4) entrainerait une réduction de la réponse aux immunothérapies chez les CPNPC mutés KRAS, dû entre autres, à une réduction de l’infiltration lymphocytaire et un microenvironnement tumoral immunosuppressif.
Depuis quelques années, un des nouveaux espoirs en cancérologie est la mise en place de traitements conjuguant un anticorps, capable d’identifier les cellules cancéreuses, et un médicament cytotoxique associé, qui puissent être délivrés directement au cœur de la cellule tumorale ciblée. Ces anticorps-conjugués présentent a priori un double avantage : pouvoir détruire les cellules cancéreuses grâce à des doses cytotoxiques plus puissantes que ce que permet une chimiothérapie classique tout en préservant les cellules saines.
Les connaissances clinico-pathologiques concernant les mutations de KRAS sur les stades précoces sont à ce jour très partielles, ainsi que les altérations génomiques associées, l’expression des différents points de contrôles immunitaires et l’expression des cibles d’anticorps conjugués. Ces connaissances doivent permettre d’optimiser la sélection des patients éligibles aux traitements personnalisés ciblant des mutations de KRAS, en particulier les mutations KRASG12C.
Enfin, dépister le cancer du poumon le plus précocement possible reste un objectif majeur et de nombreux outils dont l’intelligence artificielle, semblent prometteurs. En 2023, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology de Cambridge ont entraîné et validé un nouvel algorithme sur des milliers de scanners thoraciques afin de prédire le risque de développer un cancer du poumon dans les six ans suivant la réalisation du scanner thoracique. Cependant, pour les CPNPC mutés KRAS, les études pour développer des algorithmes prédictifs à partir d’imagerie médicale ou encore à partir de coupes histologiques de tissus tumoraux, sont peu nombreuses et méritent d’être initiées.
Ce projet s’inscrit donc dans un mouvement global vers une médecine plus personnalisée et prédictive.
Le projet « Caractérisation des CPNPC mutés KRASG12C : du profil epidémio-clinico- pathologique aux altérations protéogénomiques associées » a pour but de développer et d’implémenter une approche holistique combinant des outils macroscopique, microscopique et moléculaires performants pour caractériser les CPNPC mutés KRAS. L’objectif est d’optimiser la sélection des patients éligibles aux traitements personnalisés ciblant des mutations de KRAS, en particulier les mutations KRASG12C.
Ce projet a pour objectif principal de déterminer si KRASG12C est associée à des co-mutations et/ou à une surexpression de certains marqueurs protéiques, qui peuvent avoir une valeur pronostic et/ou une valeur prédictive d’une réponse thérapeutique.
Et deux objectifs complémentaires :
Au-delà de ces objectifs, le projet vise également à identifier une signature KRAS à partir d’imageries médicales ou de coupes histologiques de tissus tumoraux et ainsi simplifier le diagnostic des CPNPC mutés KRAS pour une prise en charge plus rapide.
L’analyse approfondie des profils individuels permettra d’identifier des sous-groupes de patients porteurs de marqueurs ayant une valeur pronostic et/ou prédictive d’une réponse thérapeutique. Cette démarche implique de collecter les tissus tumoraux des individus porteurs d’un CPNPC muté KRAS et de collecter et consolider les données cliniques associées.
Pour atteindre ces objectifs ambitieux, le projet s’appuie sur une combinaison innovante de technologies avancées en matière d’analyses moléculaires et protéiques.
L’approche scientifique adoptée repose sur plusieurs outils complémentaires et novateurs :
La réussite de ce projet repose sur une collaboration étroite entre différents acteurs académiques et industriels :
Cette synergie entre recherche fondamentale, clinique et technologie de pointe garantit une approche complète et novatrice, maximisant les chances de succès du projet.
Ce projet ouvre la voie vers une recherche majeure pour les patients atteints du cancer du poumon non à petite cellules avec mutation KRAS. Cette approche holistique est novatrice pour cette population de patients et marque une avancée considérable vers une médecine plus ciblée, centrée sur la co-expression de gènes et de cibles thérapeutiques en développement.
L’un des bénéfices majeurs attendus est une réévaluation de certains patients porteurs de la mutation KRAS avec une caractérisation précise et exhaustive des stades précoces, à ce jour trop peu étudié par rapport aux stades avancés. En optimisant la sélection des patients éligibles aux traitements personnalisés ciblant les mutations de KRAS, ce projet vise à améliorer substantiellement la qualité de vie et le pronostic de cette population de patients.
Cette approche de pathologie intégrative combinant différents champs permettra de générer un modèle cohérent pour la compréhension et la prédiction de la maladie ainsi que la compréhension de la réponse aux traitements des patients atteints d’un cancer du poumon non à petite cellules mutés KRAS.
Grâce à ce projet, l’IHU RespirERA affirme sa volonté d’adopter une approche proactive en santé respiratoire, en misant sur une recherche novatrice, une approche holistique, et une prise en charge personnalisée et humaine. Cette démarche innovante représente une étape majeure pour améliorer durablement la santé respiratoire et la qualité de vie des patients, tout en optimisant l’utilisation des ressources médicales.